Accueil, café 8h30
9h00 Introduction de la journée : Pierre Karleskind, océanographe et député européen, président de la commission « pêche »
Session 6 : Archéologie, expérimentation et patrimoines 9h30 – 12h00
Modérateur : Guy Saupin, Professeur d’Histoire à l’Université de Nantes
Intervenants :
Éric Rieth, Directeur de recherche émérite au CNRS, membre de l’Académie de marine, Musée national de la marine, Xabier Agote, fondateur des chantiers navals d’Albaola, Michel L’Hour, ex-directeur de l’archéologie sous-marine française, membre de l’Académie de marine, Anne-Sophie Rieth, doctorante en Histoire des Techniques, Alain Foulonneau, historien et archéologue sous-marin, spécialiste de l’Estuaire de la Loire.
De l’épave au bateau « acteur et témoin d’histoire » (F. Beaudouin) : l’exemple de l’épave du caboteur de Beutin, Canche (Pas-de-Calais), du milieu du XVe siècle, Éric Rieth
Découverte en 1989, à environ 5 kilomètres en amont du port de pêche d’Etaples-sur-Mer (Pas-de-Calais) et à une dizaine de kilomètres en aval de Montreuil qui fût au Moyen Age un port fluvio-maritime important de rupture de charge, l’épave, pillée en 1991 et partiellement dégradée, a donné lieu à une fouille archéologique subaquatique programmée sous la direction de l’auteur de 2005 à 2010. La fouille subaquatique a été menée dans une perspective élargie d’archéologie nautique par une équipe interdisciplinaire formée d’archéologues, d’historiens, de spécialistes en dendrochronologie et géomorphologie estuarienne ainsi que d’un modéliste. Le choix d’inscrire la fouille de l’épave de Beutin dans le cadre de l’archéologie nautique, en correspondance avec la définition donnée par François Beaudouin du bateau traditionnel comme « acteur et témoin d’histoire » , une histoire plurielle, technique, environnementale, socio-économique, a impliqué d’étudier l’épave sous deux angles principaux : celui de l’archéologie et de l’histoire des techniques de l’architecture navale d’une part et celui des relations entre le bateau restitué et son espace nautique compris comme un milieu de navigation fluviale et côtière de nature environnementale et économique d’autre part.
De la mer à la Lune. Quand l’archéologie sous-marine plonge dans la science-fiction, Michel L’Hour
Les progrès accomplis ces dernières décennies par l’ingénierie offshore ou la robotique sous-marine ont révélé un nombre croissant d’épaves archéologiques localisées à grande profondeur. Coulées par suite d’une tempête, d’un fait de guerre, ou d’une cargaison au poids excessif, ces épaves perdues loin au large sont, de loin, les mieux conservées. Passé le chaos du naufrage, elles doivent en effet à leur bathymétrie d’avoir jusqu’à nos jours échappé aux récupérations commerciales, aux assauts de la houle ou à la voracité des vers xylophages marins. Si ces sanctuaires patrimoniaux ont d’emblée suscité l’intérêt des archéologues ils leur sont aussi demeurés longtemps inaccessibles faute de disposer de la technologie et des ressources financières pour en amorcer l’étude. Convaincus toutefois de l’importance primordiale de ce patrimoine englouti, les archéologues français ont été parmi les premiers, dans les années 80, à y conduire des expériences spécifiques. Au fil des projets, l’ambition s’est renforcée. Elle a donné naissance en 2007 à un programme de recherche inédit portant sur l’archéologie des abysses. Travaillant en complicité avec de nombreux laboratoires de robotique, les archéologues ont ainsi conçu et développé des machines totalement innovantes, réalisé des chantiers laboratoires et entrepris d’étudier des épaves localisées à des profondeurs jugées autrefois inaccessibles. En partenariat avec les roboticiens de Stanford University, ils travaillent depuis 2014 à la mise au point d’un robot humanoïde, véritable avatar d’archéologue sous-marin. A la croisée du passé et de la science-fiction l’archéologie des abysses devrait dans les années qui viennent révolutionner profondément la recherche sous-marine, tant scientifique, qu’industrielle et militaire.
Le galion baleinier San Juan : de la fouille archéologique au chantier naval, Xabier Agote
En 1978 les archéologues subaquatiques de Parcs Canada trouvent au Labrador l’épave du San Juan, un galion baleinier Basque naufragé en 1565. À la suite d’une étude aussi exceptionnelle qu’exemplaire, le San Juan est devenu le symbole du patrimoine subaquatique à l’UNESCO.
Depuis 2014, l’association du patrimoine maritime Albaola est en train de construire la réplique de cet extraordinaire navire dans son chantier-musée de Pasaia. Ce projet est en train de mettre en valeur les secrets technologiques des premières navigations transocéaniques qui changèrent le monde.
A la découverte des savoir-faire de la construction navale en bois !
Le projet en cours d’un inventaire du patrimoine culturel immatériel de France, Anne-Sophie Rieth
On trouve en France des identités culturelles fortes liées aux savoir-faire techniques anciens. Deux cultures techniques se distinguent. Celle de l’assemblage « à clin » pratiquée dans le Nord est un lointain héritage scandinave (il s’agit de monter d’abord le bordé, chaque virure recouvrant la précédente, puis d’ajouter les membrures à l’intérieur du bateau). La deuxième technique, la construction « à franc bord » implique à l’inverse de commencer par assembler les membrures qui constituent le squelette du bateau (puis de recouvrir cette charpente transversale d’une enveloppe de bordages posés bord à bord). Cette manière de construire les bateaux est présente à la fois sur la façade Atlantique et sur la façade Méditerranéenne. Cependant les vocabulaires techniques, les formes de coques, les gréements, les natures de bois, etc. diffèrent et créent des spécificités régionales en fonction de l’environnement nautique et du contexte socio-culturel. Le Nord, la Normandie, la Bretagne, la Provence, le Pays Basque en sont des exemples certains. C’est dans ce cadre qu’un projet d’inventaire des savoir-faire de la construction navale vernaculaire en bois placé sous la tutelle du Ministère de la Culture a vu le jour. Cette communication vise à présenter les résultats intermédiaires obtenus grâce aux enquêtes réalisées en Bretagne et dans le Nord.
Débat entre intervenants et échanges avec le public et avec Alain Foulonneau, historien et archéologue sous-marin, spécialiste de l’Estuaire de la Loire
Session 7 : Les bateaux « du patrimoine » à l’heure de la transmission 14h -17h30
Modérateur : Alain Doaré, vice-président de l’OPCI, membre de l’académie des arts et sciences de la mer
Intervenants : Yann Cariou, capitaine de l’Hermione, Mike Newmeyer directeur de l’école de charpente marine Skol Ar Mor, François Vivier, architecte naval, Jacques van Geen, secrétaire de rédaction au Chasse-Marée, Éric Lemerle, chargé de mission à l’action patrimoniale et pédagogique à l’Estuarium, Thierry Pons, président de la Fédération du patrimoine maritime Méditerranéen, Pascal Servain, directeur de Fécamp Grand’Escale
Yann Cariou, capitaine de l’Hermione
Le Commandant de l’Hermione mais aussi auparavant commandant du Belem abordera la problématique de la reconstruction à l’identique d’un navire, une frégate de « 12 » un trois mats Rochefortais, dont la construction a été décidée par le roi Louis IV sa construction débutera en 1779, cette frégate sombre en 1793 au large du Croisic après avoir permis au Marquis de Lafayette d’embarquer à son bord pour annoncer à Georges Washington l’arrivée imminente de renfort français en 1780.
La problématique de la construction d’un navire de cette époque était qu’il n’y avait pas plan, cela a nécessité des recherches archéologiques et d’anthropologie technique, un savoir-faire était le plus souvent transmis par compagnonnage.
Les dimensions structurelles du navire de l’époque se sont révélées très proches des résultats des calculs des ingénieurs qui ont participés à la construction de la réplique.
Skol ar Mor, centre international de transmission des savoir-faire traditionnels maritime, Mike Newmeyer
Skol ar Mor a pour vocation de préserver, valoriser et transmettre tous les savoir-faire traditionnels maritimes et en particulier le métier de charpentier de marine qui devient lui-même une part du patrimoine de l’humanité.
Le choix pédagogique de Skol ar Mor est celui du « chantier-école ». Les élèves se forment par la pratique à toutes les étapes de la construction de bateaux bois de divers types.
Les bateaux du patrimoine : le point de vue de l’architecte naval à l’heure de la transmission, François Vivier
Le bateau est un objet du patrimoine bien particulier, d’abord en raison de sa faible durée de vie, comparée au patrimoine bâti ou au mobilier. Il en découle une particularité : conserver le patrimoine bateau passe par la construction de répliques, ou de restitutions.
Le bateau est un objet, qui peut être outil de travail, espace de vie et/ou loisir. Ce n’est donc pas seulement l’objet qu’il faut transmettre aux générations futures, mais aussi la façon de le construire, la connaissance des métiers pratiqués, la manœuvre d’une grande variété de gréements, et enfin l’histoire des hommes qui ont vécu dans et autour des bateaux. Cette transmission passe par des approches nombreuses et en particulier par la navigation sur tous bateaux, répliques fidèles comme bateaux inspirés de la tradition, accessibles à un plus grand nombre.
L’architecte naval peut apporter une contribution importante à la transmission du patrimoine bateau par le dessin de ces bateaux, premier maillon d’un projet de construction, et par le fait que les plans et documents aujourd’hui disponibles de façon numérisée se prêtent facilement à leur transmission.
Mais qu’en feront les générations futures ?
Le bateau dévaseur, un outil au service des marais estuariens, Eric Lemerle
Estuarium propose d’évoquer, un bateau du patrimoine estuarien, plus précisément les « bateaux dévaseurs » utilisés au 19e siècle pour participer à l’entretien et au dés envasement des canaux des marais ou des bras de Loire. Ce sera l’occasion de présenter un exemplaire aujourd’hui mis en valeur à Cordemais, dans le plan d’eau de la Côte.
Aventure pluriel, Association de sauvegarde du patrimoine maritime méditerranéen Thierry Pons
Depuis 1995, Aventure Pluriel rassemble de nombreux passionnés de bateaux traditionnels en bois. Son objectif premier est la sauvegarde du patrimoine maritime et fluvial à travers un grand nombre de projets de restauration, de réflexion et de navigation. Propriétaire de bateaux, l’association Aventure Pluriel sait mobiliser de nombreux bénévoles qui assurent l’entretien, la navigation des bateaux. Les membres bénévoles sont encadrés par deux professionnels
Fécamp Grand’Escale : L’esthétisme comme ligne de flottaison ! Pascal Servain, Directeur de Fécamp Grand’Escale
Jamais, au grand jamais, un matelot même le plus ignare des ignares, ne supporterait un instant que la ligne de flottaison de son navire ne soit pas bien tracée. Preuve, s’il en est, qu’il ne l’est pas, ignare ! c’est ce que me racontait le capitaine Jean Recher, auteur du Grand Métier. J’ai toujours eu en tête cette anecdote. En y réfléchissant, j’ai toujours pensé que l’esthétisme dans les marines, d’une manière générale mais aussi d’une manière particulière, est une constante permanente qui a traversé les âges, les peuples et les générations. Et quand on tire ce « boute » là, la résonnance et la mise en œuvre d’une fête maritime semble évidente et ouverte dans toutes les dimensions des cultures maritimes. C’est sur cet éclairage là que j’ai proposé à la ville de Fécamp de mettre en œuvre « Fécamp Grand’Escale ». L’idée est de redonner au port de Fécamp pendant ces 5 jours de fête, des couleurs, de la verticalité et de l’horizontalité par les matures des grands voiliers, de la dynamique par le mouvement des navires et des hommes, de la résonnance par les chants et les contes, de l’activité par les démonstrations de savoir-faire, du parler par les vocabulaires spécifiques des marins, etc. etc L’objectif est d’émerveiller, d’ouvrir aux voyages, à l’histoire, aux cultures, aux goûts, à la poésie, aux musiques, et aux imaginaires multiples. Cette mise en œuvre demande bien entendu, une exigence de qualité, sur le choix des acteurs de la fête, sur les pourquoi de ces choix, et surtout de les tenir ces choix, face à des pressions capitalo-économiques prônées par certains. Bref c’est du boulot ! Notre rôle est clair, c’est de raconter une histoire, des histoires de marins pour que les visages s’illuminent. Que du plaisir ! Et puis c’est tout !
Treizour, une structure « pionnière » dans le domaine du patrimoine maritime, Jacques Van Geen
En armant, notamment, la chaloupe Telenn Mor, la première reconstruction historique d’un navire de travail français, basée sur les recherches d’Ar Vag, en 1983, et une quinzaine d’années plus tard deux navires voile-aviron collectifs (les yoles de Bantry Amitié et Volonté), l’association Treizour a été au cœur du renouveau des bateaux du patrimoine.
Elle n’en a pas moins à faire face aux mêmes défis que ses semblables « plus jeunes », à commencer par la question du renouvellement de ses adhérents, le passage de relais indispensable, à bord des navires et à leur chevet. Les navires de Treizour naviguent néanmoins très régulièrement (plus de deux cent cinquante sorties par an pour Telenn Mor, une cinquantaine pour les yoles) et les effectifs des adhérents ont triplé ces quatre dernières années – un nouveau canot à misaine et taillevent est en chantier, construit par les adhérents, l’association se rajeunit, se féminise, y compris les capitaines qui sont majoritairement des femmes à présent. Treizour profite bien sûr en tout cela d’un environnement humain et historique privilégié ; celui-ci a permis d’essayer des expériences dont d’autres peuvent s’inspirer, qui sait ?