La démarche d’inventaire appliquée aux festivités


Atelier introductif au cycle des « Rendez-vous du Patrimoine vivant »,
le 22 novembre 2018 à Nantes dans le cadre des Rencontres régionales du patrimoine organisées par le service du Patrimoine et de l’Inventaire de la Région des Pays de la Loire


Participants :
– Laurent Sébastien Fournier, maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille
– Eva Nicolas, doctorante, IAE de l’Université de Nantes, LEMNA
– Serge Ruchaud, président de la Fédération des Festivals, Carnavals et Fêtes de France,
atelier animé par Philippe Boisseleau, directeur d’OPCI-EthnoDoc


Cadre : si les pratiques festives sont au cœur des problématiques soulevées par le « PCI », leurs formes sont multiples, et les dynamiques de patrimonialisation en cours se déclinent très différemment. L’atelier propose de répondre autour des questions suivantes :
– Comment naissent les dynamiques de patrimonialisation ? Quelles spécificités en la matière sont engagées ?
– Quelles dimensions revêt la question de la participation des communautés ?
– Les études et les recensements de ces pratiques sous forme d’inventaires « participatifs », une démarche en vogue actuellement, facilitent-elles leur transmission et leur appropriation par les jeunes générations ?
– Comment prendre en compte l’évolutivité des pratiques dans l’étude et la valorisation ?
– Comment concrètement se lancer dans une démarche d’inventaire ? (initier une dynamique, cerner le sujet, élaborer un cadre d’enquête, recueillir et traiter des témoignages et archives, contacter des opérateurs et chercheurs, rédiger une fiche, mettre en place des actions de valorisation etc.)


Les intervenants de l’atelier :

Laurent-Sébastien Fournier, maître de conférences en H.D.R., enseignant au département d’anthropologie, Aix-Marseille-Université, chercheur à l’IDEMEC UMR 7307 CNRS-AMU ; domaines de recherche : Ethnologie et anthropologie des fêtes locales en Europe, Histoire des musées d’ethnologie, Anthropologie historique des jeux, des rites physiques et des représentations du corps

Axes d’intervention :
– La patrimonialisation des fêtes : état des démarches en Europe et en France

– Mener les inventaires : des dynamiques locales aux listes de l’Inventaire du PCI en France et de l’Unesco
– Les spécificités de l’inventaire des fêtes


Serge Ruchaud, président de la FCF France et trésorier du carnaval de Nantes
La Fédération des Festivals, carnavals et fêtes de France et son programme de patrimonialisation des fêtes

Axes d’intervention :
– Présentation de la Fédération des Festivals, carnavals et fêtes de France

– Enjeux culturels et de sociabilité des inventaires des fêtes
– Le programme de patrimonialisation de la FCF
– les exemples et leurs spécificités : en cours : Fêtes des bouviers de la Drôme, en projet : le carnaval de Nantes


Eva Nicolas, doctorante, IAE de l’Université de Nantes, LEMNA,
Les dynamiques collectives de patrimonialisation des musiques amplifiées

Axes d’intervention :
– Observation des pratiques de patrimonialisation des musiques actuelles : éléments d’analyse comparée à partir de quelques exemples dans le monde, en France et en Pays de la Loire :

– Comment et pourquoi peut se développer un projet collectif de patrimonialisation
– Influence du DIY
– Jeux d’acteurs et de territoires
– Exemples d’inventaires dans les musiques actuelles


La démarche d’inventaire appliquée aux festivités

Etudiées de longue date par l’ethnologie (Van Gennep, 1937-1958, Gaignebet, 1974, CNRS 1970-1982 dans l’Aubrac, Despringre, 1993) les pratiques festives constituent l’un des domaines entrant dans la définition du PCI dans la convention de l’Unesco sur le PCI (article 2 Définitions : (c) les pratiques sociales, rituels et événements festifs).

Laurent-Sébastien Fournier définit le « patrimoine immatériel des fêtes comme un agglomérat de symboles, de représentations d’expressions verbales ou non, de façons d’agir et de penser, de tours de main et de pratiques, de marques de sociabilité etc. »[1] .

Les festivités apparaissent ainsi sur les listes de l’Unesco et à l’inventaire national. Pour la France, citons les exemples du Fest noz en 2012, du Carnaval de Granville en 2016 inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. L’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France compte une quarantaine de pratiques festives.

Enfin, en ce qui concerne le lien entre matériel et immatériel, les pratiques muséographiques visent aujourd’hui à enrichir la présentation et l’interprétation des objets en valorisant leur dimension immatérielle : la connaissance de leurs modes de fabrication et de leurs usages sociaux.

Dans ce contexte, portées par ces dynamiques, confrontées peut-être aux difficultés de la transmission et du sens à donner auprès des jeunes générations, il semble que les communautés porteuses des pratiques festives publiques expriment aujourd’hui ce besoin de « patrimonialisation ». Elles sont encouragées et accompagnées en cela par les institutions, les chercheurs ou les opérateurs. Quelques exemples peuvent être cités :

– en Provence, porté par l’IDEMEC en 2011 et Aix-Marseille-Université, existe un programme régional d’études comparatives sur les fêtes locales et leur revitalisation patrimoniale.  La typologie des fêtes locales en Provence élaborée par Laurent Sébastien Fournier dans ses recherches (Fournier, 2004) sert de base à l’approche proposée.

– le MUCEM a présenté en 2014 une exposition Le Monde à l’Envers – Carnavals et Mascarades d’Europe et de Méditerranée

– la FCF  France a mis en place avec l’OPCI, en lien avec les chercheurs, un programme de patrimonialisation. Des démarches d’inventaires sont lancées : pour les fêtes des bouviers de la Drôme, le carnaval de Nantes…

– en pays de la Loire :

– en 2017, à l’occasion de la centième édition du carnaval de Cholet, la ville a proposé une exposition mêlant des éléments matériels et immatériels,

– la fête de la Saint-Laurent à Blain, a fait l’objet d’un programme de patrimonialisation associant les jeunes, et une exposition a été réalisée cette année,

– des fêtes sont à la veille de se lancer dans la démarche d’inventaire la Saint-Maurice à Montfaucon-Montigné, le Carnaval de Nantes…

En ce qui concerne les musiques amplifiées, souvent au cœur d’évènements festifs, la patrimonialisation est engagée également et on peut citer parmi diverses initiatives, le musée de Montluçon, l’exposition Rock in Laval, et actuellement Rock à Nantes, le programme Folk Archives en Pays de la Loire porté par le Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles, le programme ANR PIND (Punk is not dead) etc., ces démarches étant appuyées par des recherches sur les scènes locales (GUIBERT, 2014).

[1] L.S Fournier, « La fête en héritage : enjeux patrimoniaux de la sociabilité provençale », p.12

 

P. Boisseleau, octobre 2018